În Bucegi/Prefața versiunii franceze "Dans les Carpathes Roumaines"
Au Lecteur
Appelé par mes fonctions à séjourner une bonne par-lie de l'année dans la vallée de la Prahova, à proximité de ses sources, j'ai eu le bonheur inappréciable de vivre au milieu de cette ramification des monts Carpathes qui se nomme„Bucegi". Au pied des superbes Bucegi, je me suis livré, sans défense, à la montagne, dont la contemplation et l'étude m'ont procuré des heures de félicité et mon amour pour cette terre bénie de Roumanie s'en est accru.
Je crois faire oeuvre de bon Roumain, en publiant ce livre, pour lequel j'ai puisé dans les notes que j'ai prises, au jour le jour, à la montagne; sa destination est de faire connaître au moins un coin de mon beau pays que les Roumains méconnaissent tant et que les étrangers ne connaissent guère.
Mais' il y a plus : l'affabulation de ce livre est la preuve que le coeur de son auteur, comme celui de tout Roumain bien pensant, est partagé entre l'amour pour son pays de naissance la Roumanie et l'inaltérable affection et reconnaissance qu'il garde à son pays d'élection, la France.
Quoi que fassent les mesquines combinaisons de la politique, les coeurs roumains battront toujours à l'unisson des coeurs français. Les Roumains ne devront jamais oublier la dette de gratitude qu'ils ont contractée envers la grande soeur latine qui généreusement les secourut aux heures troubles où leur idéal de liberté était étranglé par des voisins puissants et accapareurs; les Roumains devront toujours se considérer comme les fils aimants de cette belle et bonne France qui, avec une hospitalité exquise, leur prodigua les bienfaits de l'instruction et où ils prirent le plus pur, le plus noble de leurs aspirations. Et, si j'ai dédié ce livre au maître écrivain André Theuriet, c'est que j'ai appris dans ses oeuvres combien il est sain, combien il est doux d'aimer la Nature, cette Nature qu'il décrit si merveilleusement; je me suis laissé dire par les arbres et les fleurs de nos montagnes que leur grand ami, l'illustre académicien, ne refuserait pas, l'hommage de ces pages d'un inconnu qui, à l'Orient de, l'Europe, a essayé gauchement, mais les fibres de son âme toutes vibrantes, de décrire un coin de son pays.
Et je ne me lasserai pas de répéter que, Roumain, j'ai fait dans mon coeur deux places égales pour mes deux patries: la France et la Roumanie.
1906 NESTOR URECHIA